BAÏKAL (LAC)

BAÏKAL (LAC)
BAÏKAL (LAC)

Le lac Baïkal, situé au sud de la région géographique de Sibérie orientale, est l’un des plus vastes lacs du monde: il se place au septième rang pour sa surface (31 500 km2), au deuxième pour le volume des eaux (23 000 km3), qui est égal à celui de la mer Baltique. Le lac, qui s’étend, du sud-ouest au nord-est, sur 634 km de longueur, avec une largeur moyenne de 48 km, variant de 25 à 79,5 km, occupe la dépression la plus profonde de la surface du globe. La profondeur maximale est de 1 741 m et, comme la surface s’établit à 454 m, le fond s’abaisse à 1 288 m au-dessous du niveau moyen des mers. L’origine de cette dépression remonte aux temps cénozoïques, si bien que le Baïkal est aussi l’un des lacs les plus anciens du globe. La faune qui l’habite est, de ce fait, profondément originale, riche en espèces endémiques anciennes dont l’étude permet de reconstituer l’histoire de sa formation. L’intérêt que présente ce lac pour le développement des activités économiques ne le cède en rien à celui que soulève son examen scientifique. Le Baïkal abrite des pêcheries très actives et offre une excellente voie de communication, tandis que les eaux qui s’en échappent donnent naissance au fleuve le plus riche en énergie potentielle de toute la Sibérie orientale: l’Angara. Alors que les rives du lac se prêtent parfaitement à la création d’une réserve naturelle, voisinant avec des stations de tourisme et de repos, le développement de l’industrie a imposé l’adoption d’une législation destinée à protéger l’environnement.

1. Caractères morphologiques

Le lac Baïkal occupe l’emplacement d’une cuvette tectonique, beaucoup plus longue que large, limitée par des failles bordières recoupant, comme à l’emporte-pièce, les plis des montagnes qui l’entourent. La différence d’altitude existant entre les sommets voisins, dont plusieurs approchent 2 000 m, et le fond de la cuvette lacustre, situé à 漣 1 288 m, permet de juger de l’importance de l’effondrement qui a donné naissance à la fosse du Baïkal. Cette dernière n’est pas uniforme et des différences dans l’ampleur du mouvement ont conduit à l’individualisation de trois cuvettes, séparées par des seuils bien marqués. La cuvette septentrionale, qui s’étend au nord de la chaîne sous-marine de l’Académie des sciences, unissant l’île Olkhon au cap Sacré, est la plus homogène et ne connaît pas de profondeurs supérieures à 912 m. La profondeur maximale atteint 1 741 m dans la cuvette méridionale située au sud du delta construit par le tributaire le plus important du lac: la Selenga. Au nord de ce delta s’étend la plus creuse des trois cuvettes, dont le fond, à l’exception d’une étroite bande littorale, se situe toujours à plus de 1 000 m au-dessous de la surface des eaux. Dans chacune de ces cuvettes, la nature des berges varie avec la profondeur: roches à nu jusqu’à 100 m, puis graviers et sables, et, au-delà de 500 m, vases formées par l’accumulation des frustules siliceuses d’algues Diatomées. Cette vase, très riche en silicium (54 p. 100 de la masse, après dessication), en alumine et en fer, est pauvre en substances organiques, en raison de la faible activité biologique dans les eaux du lac et du fort pouvoir oxydant de ces dernières.

Le lac Baïkal devrait son origine au «télescopage» de l’Asie par l’Inde, lequel se poursuit depuis quelque 45 millions d’années. La rencontre de ces deux grandes «plaques» mobiles aurait, par contrecoup, entraîné la formation, sous le lac Baïkal actuel, d’un rift continental qui serait l’amorce d’une future fracturation de la plaque asiatique et peut-être, ensuite, de la formation d’un nouvel océan. La région du Baïkal – cuvette tectonique fort ancienne, puisqu’un lac existait déjà au milieu de l’époque tertiaire et que le grand effondrement responsable du profond lac actuel est du début du Quaternaire – est restée très instable, agitée de tremblements de terre incessants, dont les conséquences morphologiques s’expriment bien dans le paysage. Ainsi, la rive nord-orientale est en voie de relèvement, ce qui entraîne l’encaissement des vallées et l’apparition de rapides sur les rivières, la construction de deltas à leur débouché dans le lac, le rattachement d’îles au littoral par des isthmes étroits. Sur la rive opposée, les eaux du lac envahissent les estuaires des rivières et les terrasses lacustres s’inclinent en direction de l’axe de la cuvette, ce qui témoigne d’un affaissement récent. La vigueur de ces mouvements tectoniques récents interdit de voir dans les fragments de terrasses lacustres situés à 300 m au-dessus du niveau des eaux la preuve d’une extension ancienne du lac jusqu’à ces altitudes. L’encaissement progressif de l’émissaire du lac a abaissé le plan d’eau d’une trentaine de mètres au plus. Les mouvements du sol, responsables du relèvement de lambeaux de terrasses, rendent compte aussi de l’extrême dissymétrie du bassin d’alimentation du lac, vaste de 557 000 kilomètres carrés, et situé surtout au sud-est de la cuvette d’effondrement.

2. Les eaux

Quelque 336 rivières drainent ce bassin et se jettent dans le lac, lui apportant 47,16 km3 d’eau chaque année. Pourtant, l’Angara, émissaire unique du lac, écoule, avec un débit moyen de 1 950 m3/s, 53,48 km3 par an. Le surplus provient, non des précipitations que l’évaporation prélève intégralement, mais de l’apport des sources sous-lacustres. Le bilan hydrique du lac Baïkal, exprimé en millimètres d’eau, est résumé dans le tableau.

Le débit des tributaires, assuré dans la proportion de 83,4 p. 100 par la seule Selenga, varie de manière très sensible au cours de l’année: 1,5 p. 100 de l’écoulement annuel en janvier, 18,4 p. 100 en juillet, soit un rapport de 12,3 entre les débits moyens mensuels extrêmes. Ces mêmes débits extrêmes sont dans le rapport 1 à 2 pour l’Angara, dont le régime est pondéré par le lac, fonctionnant à la manière d’un barrage de retenue. Cependant, l’irrégularité des apports entraîne une oscillation saisonnière du niveau des eaux dans le lac, d’une amplitude moyenne de 82 cm. La montée commence au début du mois de mai, avec la fonte des neiges, et les eaux sont à leur niveau le plus haut au début du mois de septembre. L’altitude qu’elles atteignent alors varie d’une année à l’autre et, sur une période d’observation de soixante ans, l’écart absolu est de 194 cm.

Des mouvements incessants brassent la tranche superficielle des eaux du Baïkal, sur 250 m d’épaisseur. Le déversement des eaux de la Selenga donne naissance, dans la cuvette méridionale, à un courant de décharge, dirigé en sens inverse des aiguilles d’une montre. Les vents, qui balaient la surface du lac et soufflent souvent en tempête au début de l’hiver (sarma ), avant l’embâcle, soulèvent des vagues et contribuent à la formation d’une seiche (oscillation régulière du niveau des eaux) dont la période est de 231 min et l’amplitude comprise entre 20 et 30 cm. Le passage de la température des eaux de surface à la valeur + 4 0C, au printemps et à l’automne, pour laquelle la densité de l’eau est maximale, engendre des courants de densité, dirigés selon la verticale, qui réalisent l’égalisation des températures jusqu’à 250 m de profondeur.

Ce brassage des eaux superficielles retarde le refroidissement automnal et le réchauffement printanier. En novembre encore, alors que des gelées sévères affectent les terres voisines, les eaux du lac sont à + 3 ou + 4 0C. L’embâcle a lieu, d’ordinaire, dans la seconde moitié du mois de décembre et il n’est pas rare qu’elle soit retardée jusqu’à la seconde quinzaine de janvier. Par contre, le lac n’est libéré de sa glace superficielle qu’en mai ou juin. Dès qu’elle a disparu, le réchauffement, limité à une mince pellicule superficielle, se fait plus rapide et on note, en août, des températures maximales de 10-12 0C dans la partie centrale du lac, et de 14-16 0C dans les secteurs littoraux. En raison de leur grande inertie thermique, les eaux du Baïkal exercent une influence très sensible sur le climat des régions voisines, auquel elles donnent une allure maritime dans un ensemble aux traits continentaux vigoureusement affirmés.

Une autre propriété remarquable des eaux du Baïkal est leur grande transparence, comparable à celle des eaux océaniques, qui leur confère une teinte d’un bleu soutenu. Mesurée à l’aide du disque de Secchi, cette transparence atteint 42 m au centre du lac, de 25 à 30 m ailleurs. La teneur en substances dissoutes, très faible elle aussi, varie entre
95 mg/l en surface et 100 mg/l en profondeur (dont Ca: 15,2; Mg: 3,1; Na + K: 5,8; HC3: 66,5; S4: 5,2; Si: 1,07 mg/l). Parmi les gaz dissous, l’oxygène, présent dans la proportion de 4,0 à 5,5 mg/l de 2 en surface, est le plus abondant.

3. Les organismes vivants

Mais si l’oxygène existe en suffisance pour répondre aux besoins des êtres vivants, l’azote et le phosphore, rares dans les roches du bassin versant, manquent souvent. Comme les températures sont basses, la productivité primaire du phytoplancton est de l’ordre de 800 à 1 080 g de matière organique sèche par m2. Cette matière sert de nourriture à des animaux vivant sur le fond et présents en nombre relativement faible, ce qui est un nouveau témoignage de la faible productivité biologique du lac. Le poids de cette matière vivante (biomasse) est de l’ordre de 300 kg/ha dans la zone littorale (moins de 20 m de fond), de 250 kg/ha dans la zone sublittorale (de 20 à 70 m), et de 150 kg/ha dans la zone subabyssale (de 70 à 250 m). Pourtant, les chercheurs de la station limnologique de Listvianka y ont dénombré plus de 1 200 espèces, compte tenu des Poissons, dont plus de 700 sont endémiques et offrent de remarquables propriétés écologiques. C’est la conséquence d’une très longue évolution des espèces, commencée dès la fin des temps jurassiques et qui s’est déroulée, pour beaucoup, dans des eaux très profondes.

On peut distinguer, parmi elles, quatre groupes principaux: les représentants de la faune européenne et sibérienne actuelle, particulièrement nombreux dans les eaux de surface; les descendants d’espèces vivant dans l’océan Holarctique, à l’époque tertiaire, dont la plupart sont endémiques; les descendants d’espèces vivant dans les étendues lacustres de l’Asie centrale, apparues lors du retrait de la Téthys, à la fin des temps jurassiques et dont l’endémisme est le mieux marqué; quelques espèces, dont le phoque de Sibérie (Phoca sibirica ) venues dans le Baïkal, depuis l’océan Glacial arctique, lors de la période glaciaire quaternaire.

Quelques groupes sont particulièrement bien représentés, comme les Amphipodes (1/3 des espèces connues dans le monde), ou les Mollusques de la famille des Bepedictidae et des Baicaliidae (50 espèces). Parmi les 50 espèces de Poissons dénombrées, la moitié appartient à la famille des Cottidae et des Comephoridae . Seuls les représentants de la famille des Salmonidés présentent un intérêt pour la pêche, surtout l’omoul’ (Coregonus autumnalis migratorius ), dont on capture 100 000 q par an, et le lavaret (Coregonus lavaretus baicalensis ), qui fournit 2 000 q chaque année.

Aussi la principale fonction économique du lac Baïkal consiste-t-elle à permettre le transport de marchandises lourdes, dans une région d’accès difficile. Ses eaux servent également à régulariser le fonctionnement des centrales hydrauliques d’Irkoutsk et de Bratsk, et elles ont été utilisées pour alimenter des usines traitant la cellulose sur les rives mêmes du lac. Cette exploitation a soulevé une grande émotion parmi les amis de la nature qui redoutaient, avec la pollution des eaux du lac, la disparition des espèces animales rares qui les habitent. Une réserve naturelle de 169 300 ha, destinée à la recherche scientifique, a néanmoins été créée sur la rive sud du lac. Le gouvernement soviétique a par ailleurs pris des mesures, en 1971, destinées à assurer la protection des ressources naturelles.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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